mercredi 26 mai 2010

Retour sur une victoire

Cet article fut initialement publié sur un autre media, sous le titre And the winner is...

Samedi 6 mars, 10h20, Braine-l'Alleud, Belgique.

Après 10 mois de travail, de la conception jusqu'à la réalisation des différentes étapes, nous y sommes enfin : la finale du BelgiumPoker Live Tour !
La salle se remplit peu à peu, le staff règle les derniers détails, tout est presque en ordre...

Pour ma part, depuis 3 semaines, j'ai enfin envie de jouer ce tournoi sérieusement.
Ca n'a pas toujours été le cas, depuis ma qualification en novembre.
Je m'étais beaucoup investi dans cette compétition, et me sentais presque frustré de ne pas pouvoir animer la fête, et en saisir chaque instant au vol.
Mais puisque je me définis comme un touche-à-tout, après un début 2010 orienté organisation et journalisme, il était temps de disputer un vrai beau tournoi live, sur les bases de mes récentes bonnes performances en SNG et MTT.

11H20, le tournoi démarre, ma table est notamment composée de Neophrak, Pongist, Zebremic et David, de ColiseumPoker.
Rien de significatif pendant les 5 premiers niveaux, je laisse passer trop de mains, il y a encore quelques détails à organiser et des amis à saluer.
Je ne suis pas suffisamment concentré, et la table est littéralement écrasée par David et son triple stack, il est injouable et connecte chaque flop.

14h15, pause déjeuner, je passe derrière le comptoir en mode service, et réfléchis à mon stack, amputé de 40%.
Tout va se jouer maintenant, 36 blindes, stack idéal pour jouer agressivement avec l'arrivée des ante, je prie pour la fin du désert de cartes.
Le side-event heads-up suit son cours, le tournoi omaha va débuter, je n'ai plus qu'à me concentrer sur mon jeu.

Level 6 125/250 (ante 25)
Je gagne mon premier pot en plus de 2 heures de disette, la machine est lancée et les mains arrivent.
La bataille avec Neophrak commence, il est au cutoff sur ma big blind, cette fois j'ai les As, il détecte bien ma force, je me rapproche des 10K.

Vient cette main contre Zebremic, je relance au bouton avec A2 dépareillé, il paie en petite blinde.

Flop magique : 8 3 2, tout à pique, idéal pour mon As
Il prend le lead, à son habitude lorsqu'il est hors-position. J'hésite sur ma ligne, je décide de ne pas m'emballer et m'appuyer sur son agressivité, je flatcall.

Le turn est un bel As de coeur, je suis à présent sûr d'être devant avec son nouveau donkbet de 50% du pot.
J'hésite à relancer, mais la plupart des river me seront bénéfiques, partant du principe qu'il n'a pas l'As.

Vient une Dame de carreau, qui ne modifie rien à l'action.
Sauf que Michael envoie le 3e barrel, un petit doute s'empare de moi.
Il n'aurait probablement jamais joué un brelan de cette manière, pas d'optimisation ou de vraie protection de sa main, mais c'est un joueur plutôt créatif qui mixe son jeu.
30 secondes de réflexion, je me vois obligé de payer, il montre un étrange Q9, qui a essayé de voler le pot à chaque tour.

Level 7 150/300 (50)
Me voici à 13 500, avec une belle image à table et un stack de manoeuvre.
J'en profite pour changer de vitesse, et voler quelques pots, notamment à ma voisine fishy sur qui j'ai la position. Après quelques niveaux d'analyse, je sais maintenant comment me servir chez elle, et lui prend 3 pots d'affilée.
Neo se charge de finir le travail, avec un joli trip floppé, madame envoie 3 barrels avec sa paire max, easy poker. Après un début de tournoi similaire au mien, il prend lui aussi de la hauteur.

Level 8 200/400 (50)

Niveau très animé : j'élimine Zebremic, finissant le travail entamé au niveau précédent. Il me 3bet avec les Dames, je flatcall avec mes As pour que tout parte sur le flop, ce qui est le cas après mon check.

Je suis à 27 000, tout va bien, je continue à prendre régulièrement blinds et ante.
L'appel de la cigarette se fait sentir, j'appelle Eric qui nous confirme une pause à la fin de ce niveau.
La dernière main est annoncée, je suis à demi debout, surtout après la relance précoce de Pongist.
J'ouvre à ce moment une belle paire de Dames, idéale pour dépasser les 30K et plus si affinités ;)
Je sur-relance à 3100, uniquement callé par Thierry, ma nemesis sur les 2 tournois joués précédemment ensemble, un joueur contre qui j'ai dû enchaîner cinq 70/30 perdus !!

Le flop est un vilain 9 5 4, tout à carreaux.
Il checke, et je décidé de couper court, misant 6K pour un pot de 8500. Il envoie tapis pour 13K, et la réflexion dure moins de 5 secondes, je paie en éliminant l'overpair, le voyant sur un tirage flush max.
Il montre un bel AQ de carreaux pour les nuts, je compte son tapis, balance les jetons vers son stack et quitte la salle en tilt complet, tel un zombie...

10 minutes pour ruminer et discuter du coup, je ne regrette pas ma ligne sur cette main, je me sens juste maudit sur le déroulement de la dernière heure.

Level 9 300/600 (75)

La structure s'emballe, ce niveau s'annonce capital, avec un stack de 20BB.
Trop tôt pour les open push, mais ça sent les 3bet à tapis.
Bizarrement, la table est plutôt tight.
Avec Neo, nous nous évitons globalement, du moins les affrontements ne vont jamais très loin, respect réciproque. Je lui prends juste un pot sur un Continuation bet en position.
Je vole beaucoup, et apparemment dans le bon timing, remontant facilement un stack de 21K, sans abattage.

Vient le moment où je suis déplacé à la table principale, et où mon récit zappera les divers niveaux de blinds, la tendance et la taille relative du stack par rapport aux adversaires étant les clefs de mon jeu.

Table 1, sont présents : Nico360, Astro_gabi (chipleader) et Gizmo (pas de souvenir des autres joueurs).
Je passe du paradis à l'enfer, mes 2 premières relances sont immédiatements attaquées directement sur la gauche, notamment par Gabi que je soupçonne de le faire très light grâce à son stack.

Enfin une relance qui passe, la suivante est à nouveau perdue sous les yeux de Neophrak, qui a rejoint le siège sur ma droite.
Je suis officiellement shortstack, et push 2 fois d'affilée, puis élimine Gizmo sur un coinflip.

Je suis toujours à 10BB avec la montée des blinds, j'envoie à nouveau mon tapis par 2 fois, je monte à 27K.

Voici une photo qui illustre bien cette phase, où je grinde sur le fil du rasoir, en mode euphorique.
Pour la petite histoire, c'est à ce moment que j'annonce à Nico, à demi sérieux, "Je vais ship ce tournoi, je le sens !"



Survient la main-charnière, plutôt étrange :
Neophrak, plutôt serré à cette table avec son stack de 20BB, relance en début de parole à 5400.
Sous le coup de l'euphorie, et avec mon stack de 28K, je décide de payer avec 74s.
D'une part, si je ne connecte pas le flop, je sais que j'aurai toujours mon stack de fold equity. Et j'ai l'impression que cette relance est surtout effectuée dans le timing, je le mets sur JT+ ou 33+, soit des mains plutôt faciles à outplayer sur le flop.
De plus, j'ai la position, et je sens que ce flatcall avec mon petit stack va le déstabiliser.
Nous sommes en tête-à-tête sur le flop 9 9 7, et il mise 7K, je sais à ce moment qu'il a une paire servie inférieure aux 9, il est temps de pousser mon tapis !
Ca gagne, et je passe à 44K, enfin de quoi mixer mon jeu :)

Nouvelle relance, nouveau 3bet de Nico, j'hésite à lui revenir dessus avec mon 96o, sentant quelque-chose.
Il me montrera T3s, nice hand Sir, j'ai raté un beau spot...

Nous sommes 13, la table finale approche, les décisions sont de plus en plus cruciales.
Je relance UTG avec AQ, la parole revient à Neo qui pousse ses 70K en grosse blinde.
Je ne le vois pas du tout en move, et lui annonce "99+ ou AQ+".
Je réfléchis 2 minutes, les spectateurs s'amassent, dont Tonyand et Buddy.
Si je fold, il me reste 36K et un bon stack pour ne pas me faire payer light sur mes tapis.
Et je n'ai vraiment pas envie de buller la TF sur un coinflip après une journée si sérieuse !
Je jette donc mon AQ, il me laisse ouvrir une des cartes, un 9 qui confirme la paire servie, bonne décision.

Je laisse passer les blinds, je suis à 31K, soit 15 blindes, et trouve AJ au bouton.
Je décide d'effectuer une simple relance sur la blind de Gabi, avec un call évident si il me revient dessus.
Il paie, le flop est 2 4 5.
Vu son range de call preflop, il touche rarement ce flop, ce qui m'amène à push après son check, en pur arrachage impayable pour une main non faite.
Instacall avec paire de 5 pour un brelan, j'ai un pied dans la tombe :s
"One time !" dis-je à Oli Prisme, dealer pour l'occasion.
Pas de suspense, un magnifique 3 vient me donner la quinte gagnante, je suis confus pour Gabi mais c'est le poker, les victoires en tournoi se nourrissent toujours de 2 ou 3-outers.



A partir de là, rapide passage en TF avec le stack moyen, je change de vitesse et prend 3 fois les blindes, pour une seule relance abandonnée sur 3-bet adverse.
C'est le moment de recevoir les As, timing idéal en position précoce.
Neo me 3bet pour 40% de son stack, je shove et découvre les Kings adverses !
Le flop QJT me donnera des sueurs froides, mais ça tient et je rejoins Crasula au chiplead.

Je passe en mode fantôme, décide de faire un tour pour retrouver ma concentration car je suis un peu parti en steam sur la dernière orbite.
Les tournées pour mon anniversaire ne sont d'ailleurs pas étrangères à ce phénomène...un coup d'eau froide sur la nuque, une cigarette et un conditionnement mental, je suis prêt à aller chercher la gagne !



A mon retour, plus que 6 joueurs, Crasula fait le ménage en sortant Caan et Gaelion, il possède 60% des jetons.
C'est au tour de Nico360, il est sorti par Jul's et ne remportera pas la montre du vainqueur.



J'élimine ensuite son bourreau, voici le tête-à-tête tant attendu contre Crasula !

Je pars avec un désavantage certain, mais prend le lead après une quinzaine de main en jouant agressivement, 2 fois à tapis déjà.

Il évite bien mon rush de cartes : QQ, AK, AQ, AJ qui ne prendront que sa blinde :s

Vient la main finale : je trouve QT de carreau en petite blinde, et décide de simplement payer avec cette main qui se défend très bien en HU, sa réponse me donnera déjà quelques infos : il checke.

Flop idéal : A J 7, dont 2 carreaux
Je décide de jouer agressivement ce tirage, le check-raise de Crasula m'aide à concrétiser mon plan, je fais tapis avec une equity logiquement supérieure.
Il paie, voici le showdown :



A MOI LA VICTOIRE !!!!

Enorme soulagement, le sentiment est irréel : je n'ai joué qu'une qualification, étant du côté de l'organisation sur cet évènement.
Je viens d'avoir 30 ans, et gagne chez les miens, après quelques mois d'errance au niveau de mon jeu et de ma psychologie poker.
De plus, la difficulté de ce tournoi, avec ses multiples phases rend la victoire particulièrement douce, j'ai souvent pris les bonnes décisions et ai su domestiquer le tilt, en sachant changer de vitesse.

Le rangement de la salle avec le staff se passe comme sur un nuage, quelques bières pour fêter ça avec les potes, et 3 dernières heures en mode euphorique avec Oli Prisme.
Tout cela me mêne au petit matin, ce premier jour de trentenaire restera un grand souvenir :)

Aucun commentaire: